Mélenchon crucifié

Mélenchon dresse la liste des "incidents" qui ont émaillé la dernière ligne droite des dernières campagnes présidentielles.

 
La réception de ses propos est fascinante. Dans une tirade échevelée, Elisabeth Lévy va jusqu'à dire que l'"incident" mélanchonien est pire que le "détail" lepéniste. Comme au bon vieux temps de Le Pen père, nul besoin de penser, de discuter, d'argumenter. Il suffit que le verbe honni surgisse pour qu'aussitôt l'unanimité se reconstitue. Le seul fait d'envisager qu'il y ait matière à penser, discuter, argumenter est perçu comme un crime, comme le signe d'une atteinte psychiatrique. Sur le plateau de Pascal Praud, ce n'était que déchirements d'habits, hurlements stridents, invocations rituelles des ancêtres.
Certes, il y a quelque chose de réjouissant à entendre les cris d'orfraie poussés par ces vestales du régime à l'idée-même que de telles manipulations puissent exister. Nos archives en dégorgent et nos journaux s'en régalent. L'histoire du "virus chinois" - cette "trumperie" subitement devenue un article de foi - est un cas d'école. Celle des enfants "qui ne transmettent pas le virus" (pour garder les écoles ouvertes) puis qu'il faut vacciner (parce qu'ils risquent de tuer papi et mami) en est une autre. Mais là n'est pas la question. Les faits n'ont, en eux-mêmes, aucune valeur explicative. Seul compte, du point de vue de l'Histoire, l'imaginaire collectif qui les filtre, les écrit, les constitue en événements. C'est ainsi, à partir des myriades d'interactions qui se produisent entre les individus qui la composent, que la société sécrète le récit qu'elle se raconte à elle-même et qui détermine son devenir. 
 
Le terrorisme, auquel fait justement référence Mélenchon, est un exemple frappant de ce récit. Un policier assassiné sur les Champs Élysées, un avion frappant une tour à Manhattan... Les complotistes et les anti-complotistes se déchaînent, les uns pour dénicher dans le calcul des services "secrets" une explication "rationnelle", les seconds pour déceler dans le discours des premiers le véritable complot qui menace les fondements de la société. Or, ce qui compte, c'est la grille de lecture commune à tous ces acteurs et qui donne à ces faits, indépendamment de la mécanique interne de leur survenue, une valeur d'événement. Si les attentats du 11 septembre ont provoqué la guerre en Irak, ce n'est pas parce qu'ils ont eu lieu. C'est parce qu'ils ont été perçus, en dépit de l'absurdité des médiations convoquées, comme racontant le choc des civilisations. Par conséquent, la réalité ou les causes matérielles de cet événement n'importent que de manière très secondaire. Seule devrait nous préoccuper la puissance de cette croyance performative, son existence autonome en amont des faits qu'elle nourrit et qui la nourrissent en retour.

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