mardi 29 juin 2021

De la trivialité héroïque des banalités incomprises

 

A chaque fois que nous portons le masque, à chaque fois que nous acceptons la piqûre pour pouvoir partir en vacances, à chaque fois que nous faisons mine de prendre au sérieux les délires gouvernementaux, nous hâtons la transformation progressive de notre société en camp de concentration, c'est-à-dire en collectivité dont l'absolu orthopraxique s'est entièrement et définitivement substitué au sens. Pire : nous l'appelons de nos vœux.

Il ne s'agit pas de peser au trébuchet de la Science l'efficacité de telle ou telle de ces pratiques, ou l'intention et les compétences de ceux qui les ont mises en pratique, mais de mesurer le basculement paradigmatique qu'implique la réduction de notre vie sociale à un discours performatif sur l'efficacité, à un protocole de survie encadré par des normes.
 
Une très grande majorité d'entre nous ne voit pas encore que la totalité de notre édifice social est en train de vaciller sur ses fondations et menace de s'effondrer sur nos têtes. Comme il n'échoit plus à aucun souverain la responsabilité de décider de l'exceptionnel (Carl Schmitt), et donc de circonscrire l'état de droit dans des limites qui en garantissent l'effectivité, voilà que l'exceptionnel déborde de partout, que l'arbitraire devient la norme et que l'"état d'urgence" se confond avec la loi ordinaire. D'institution asservie au bien commun, l'état de droit s'est mué en mythologie fondatrice de l'appétit de puissance et du désir de servitude. Bien qu'ils paraissent contradictoires, ces deux affects sont d'autant plus compatibles et articulés l'un à l'autre qu'ils sont au fond de même nature. N'est-ce pas le même refus de la limitation humaine qui produit chez les uns, sous forme de peur devant la mort, la laisse dont les autres savent se servir pour asseoir leur domination réelle ? Aux uns la crainte biologique et la quête de quiétude par le divertissement, aux autres la haine métaphysique de la finitude et le dépassement de l'angoisse dans l'ivresse du pouvoir. 
 
Dès lors, sous l'apparence continuée des formes juridiques héritées du passé, plus RIEN ne nous protège, ni institutions, ni justice, ni parti d'opposition. Il faut que nous prenions conscience que nous sommes entièrement nus, livrés sans défense aux appétits déchaînés d'une oligarchie devant laquelle ont été abaissées toutes les barrières sociales, toutes les réactions immunitaires que déploie d'habitude une civilisation quand elle est confrontée à la barbarie. 
 
Nous ne pouvons plus compter sur rien ni personne. Notre avenir est entre nos mains. Il se construit dans les plus petits gestes de notre vie quotidienne, dans la trivialité héroïque des banalités incomprises.

lundi 28 juin 2021

France Culture (du test)

 Entendu d'un responsable de festival, à l'instant sur "France Culture" : "il faut développer une culture du test". Sur le "pass sanitaire" : "Nous faisons de la pédagogie".

Je crois qu'il n'y a rien de plus dangereux que cette petite bourgeoisie à laquelle sont dévolus les rênes du monde culturel et associatif. Ceux qui y croient. Qui n'ont même pas besoin d'y trouver intérêt pour se soumettre. Les derniers des votants.

dimanche 27 juin 2021

Soirée électorale

Cette soirée électorale, c'est Hibernatus. Un mélange de science fiction et de film en costumes. Un carottage géant dans la banquise électorale des années 90.

Le système électoral "représentatif" est en état de mort clinique.
 
Seul un choc exogène, immense, pourra nous réveiller de ce cauchemar.
 
En attendant 70% des Français sauvent l'honneur en affichant leur désintérêt pour cette sinistre mascarade : un espoir pour demain ?

samedi 26 juin 2021

Je lis que 60% de la population adulte et 360 000 enfants ont reçu au moins une injection.

Ce chiffre me laisse pantois. Il constitue la preuve qu'on peut faire faire n'importe quoi à n'importe qui, sans aucune contrainte réelle.
 
L'Etat fasciste a compris qu'il n'y avait plus rien face à lui. Quand on voit les images produites par le pouvoir aux Invalides ou à Redon (grenades et fusils d'assaut face à des fêtards), on se dit qu'on va bientôt entrer dans le vif du sujet.

vendredi 25 juin 2021

Réponse à René Chiche sur la "désinstruction"

Cher René Chiche,
 
Au stade de décomposition où nous sommes rendus, je formule l'hypothèse que l'effondrement scolaire qui nous frappe est un problème politique, et non plus seulement éducatif.
 
Le modèle français de l'école républicaine était fondé sur une promesse méritocratique d'ascension sociale, laquelle ne procédait pas d'une intention émancipatrice mais de la nécessité, pour une nation industrielle naissante, de pourvoir à tous les postes d'encadrement intermédiaire que nécessite une économie capitaliste. Il fallait, pour cela, piller les classes populaires de leurs plus brillants éléments, ceux-là mêmes qui constituent la substance d'une communauté humaine civilisée.
 
A partir du moment où la nation n'est plus le cadre juridico-politique adéquat d'une économie capitaliste mondialisée, et que sa souveraineté est chaque jour un peu plus vidée de sa substance, l'école républicaine n'est plus portée par aucune nécessité. Nous n'avons collectivement plus besoin du type d'élites qu'elle avait pour objet de former. Nos meilleurs ingénieurs, formés par les plus prestigieuses de nos grandes écoles, en sont réduits, pour gagner un peu leur vie, à fabriquer des algorithmes pour Airbnb ou pour Amazon.
 
Dès lors, il ne faut pas croire que l'école ait fait l'objet d'une "destruction". Toutes les calembredaines pédagogistes ne sont que des écrans de fumée destinés à en perpétuer la fiction et servir de couverture à ce qu'elle est devenue matériellement : une institution policière, un lieu de pur contrôle social des masses désœuvrées.

lundi 21 juin 2021

La servitude volontaire a pour vecteur et pour limite la très faible conscience qu'elle a d'elle-même. Rien ne force les gens à obéir mais ils ne veulent pas savoir à quoi ils consentent à obéir, ni même admettre qu'ils sont en train d'obéir. Peu perméables aux appétits de pouvoir de l'oligarchie (la fameuse "common decency" d'Orwell), ils voudraient juste qu'on leur foute la paix, qu'on les maintienne en apesanteur, que "ça" continue. C'est ce qui me rend optimiste. Comme "ça" ne peut pas continuer, le réel va finir par rendre les gens conscients de ce qu'ils n'ont pas voulu vouloir.

Suffrage universel

 Le vote n'a jamais été qu'une procédure de recensement permettant à la bourgeoisie de se constituer politiquement en "demos". Loin d'instituer l'égalité réelle entre les hommes, il trace une frontière infranchissable entre les égaux... et les autres. En France, comme à Athènes, le demos n'est rien qu'une minorité de citoyens régnant sur une majorité d'esclaves dont il s'agit de reproduire à moindre coût la force de production. C'est la compréhension de ce phénomène qui a rendu la bourgeoisie "démocrate" après qu'elle a longtemps proclamé le contraire.

L'événement d'hier soir consiste donc, ni plus ni moins, en l'écroulement d'une fiction juridique. La bourgeoisie se sent suffisamment forte pour renoncer aux (légères) contraintes de l'égalité formelle et ne plus avoir à perpétuer les conditions symboliques d'un suffrage universel crédible. Dans ces conditions, la vie politique française va ressembler de plus en plus à un conclave de cardinaux qui fera survivre la fiction égalitaire en faisant retomber sur le peuple exclu la responsabilité morale de son exclusion ("individualisme", "fainéantise", "indifférence à l'intérêt général"...).
 
2022 se fera sur fond de fumée blanche et d'"habemus presidentem" : le rêve de Tocqueville enfin réalisé après quelques tâtonnements...

Elections régionales

Deux tiers des Français ont déserté le poulailler du théâtre dont ils étaient chargés d'assurer la claque.

Le tiers restant, se constituant en République censitaire, barbote dans un marigot infâme où se négocie la longueur des matraques.
 
Une seule stratégie pour en sortir : constituer le bloc majoritaire en corps politique, capable de dépasser temporairement ses clivages pour recouvrer sa souveraineté. La droite et la gauche d'argent ont bien su se retrouver. Pourquoi pas le peuple ?

samedi 19 juin 2021

Chaque jour se dévoile un peu plus le caractère proprement extraordinaire de la période que nous vivons. Non pas "extraordinaire" au sens où nous aurions affaire à un projet criminel qui s'imposerait à nous sous la contrainte, mais au sens d'une situation, d'un déploiement tranquille et consenti de toutes les pulsions humaines.

Il n'y a plus un seuil de résistance qu'un "ça ne se fait pas" puisse évité d'être enfoncé.

 

vendredi 18 juin 2021

Molière, au secours !

Dans les maisons de retraites, où pratiquement tous les résidents sont vaccinés, les soignants sont sous la menace d'une obligation vaccinale.

Le vaccin servirait donc à empêcher des "asymptomatiques", c'est-à-dire des gens qui n'ont pas la maladie, de la transmettre à des gens qui risqueraient de l'avoir quand même alors qu'ils sont déjà vaccinés...
 
Molière, au secours !

Les poubelles de l'histoire

 

Le drame, avec les promoteurs d'une gauche qui se dit "républicaine", c'est qu'après n'avoir pas combattu l'extrême-droite pour les bonnes raisons, et lui avoir systématiquement assimilé, comme "fascistes", tous les défenseurs de la notion de frontière, choisit les plus mauvaises pour la rejoindre (jonction qui peut prendre, selon les cas, la forme d'une alliance ou d'un dépassement... par la droite).

Le mécanisme, fort simple, a déjà été expérimenté plusieurs fois dans l'histoire : confrontée au désordre social qu'elle honnit par dessus tout, et dont la "République" sert de couverture mythologique à la répression policière, la bourgeoisie de gauche voit brusquement dans l'extrême droite un bras armé qui acceptera d'assumer la défense de cette aporie en laquelle se donne à voir la nature profonde du libéralisme : "pas de liberté pour les ennemis de la liberté".
 
Voilà comment les immigrés, que la gauche n'a pas voulu défendre en tant qu'êtres humains opprimés mais comme alibis chosifiés de la "diversité" et comme miroirs de sa supériorité morale, justifiant que le grand déménagement du monde soit promu comme un instrument d'émancipation, deviennent brusquement une figure honnie de l'altérité dangereuse qu'il convient d'éradiquer de toute urgence ("séparatisme", "misogynie", "antisémitisme")...
Et voilà comment, dans l'éco-systè
me capitaliste, l'extrême-droite a pour fonction et pour destin de vider les poubelles de l'Histoire, avant d'y finir à son tour.
 
"La gauche est une salle d'attente pour le fascisme", lit-on parfois. En vertu de cet adage, ce n'est pas la gauche qu'il faut combattre, ni le fascisme, mais la dialectique par laquelle ils se nécessitent l'un l'autre et dont seule la destruction du Capital peut nous émanciper.

mercredi 16 juin 2021

 

Du masque au burkini en passant par les louboutin de Traoré : la politique française est devenue la cabine d'essayage de l'ordre social. De Ménard à Mélenchon, ce n'est plus qu'une passion débordante de conservation mise au service du Capital. Peu importent les préférences subjectives de chacun : c'est le triomphe de la bourgeoisie comme rapport au monde.

Soixante ans de mentalité libérale-libertaire ont eu la peau du sens et accouché d'un monde orthopraxique comme l'humanité n'en a jamais connu.
 

 

En l'espace de 24 heures, vous avez entendu successivement les déclarations de Salomon, puis les déclarations de Véran démentant les déclarations de Salomon, puis les déclarations de Castex démentant les déclarations de Véran démentant les déclarations de Salomon.

Si vous pensez encore qu'il s'agit d'une "crise sanitaire", et non pas de la rédaction du Gorafi qui a pris le contrôle de vos vies, on ne peut plus rien pour vous.
 
2020-2021 : poisson tous les jours, sauf le 1er avril s'il tombe le 36 du mois.
 

Apocalypse

C'était donc ça, l'apocalypse : l'humanité qui tire sa révérence dans un éternuement...

Hollywood nous avait donc menti.
Atchoum, et puis rideau.
 
Dieu a de l'humour.

 

mardi 15 juin 2021

Sur Cnews...

Pascal Praud : Vous pourriez voter Le Pen ?
 
Franz-Olivier Gisbert : Pour l'instant, non.
 
Le basculement des franges supérieures de la bourgeoisie dans l'autoritarisme policier n'est plus qu'une question de mois.
 
Quant aux catégories populaires qui seraient tentées de voir dans la fin de l'antiracisme institutionnel un renversement d'alliance de l'oligarchie en leur faveur, qu'elles ne se réjouissent pas trop vite : ce n'est qu'un mensonge qui se dissipe, un malentendu qui se lève. Désormais, la France des banlieues et la France périphérique, l'"Arabe" et le "gilet jaune", sont confondus par les "élites" dans une haine de classe suffisamment assurée pour pouvoir être ordinairement et ouvertement assumée.
 
Les "catholiques zombies" (Emmanuel Todd), sectateurs de Mila et de Charlie Hebdo, faussement amoureux de la liberté d'expression et vrais conservateurs de l'ordre social, ne vont pas tarder à dévoiler leur vraie nature.
 
Espérons que le peuple comprenne ce qui se trame et ne prenne pas pour une conversion ce qui n'est qu'une révélation.

lundi 14 juin 2021

Elections israéliennes

"Crâne dégarni, kippa discrète et anglais d’Américain, Naftali Bennett dirige la formation Yamina, un jeune parti qui prône à la fois un ultra-libéralisme économique, une certaine ouverture sur les questions de société mais aussi l’annexion de près des deux tiers de la Cisjordanie".

Je ris (jaune) en imaginant les reportages sur Oradour que l'on retrouvera dans toute la presse internationale, lundi en 8, parce que le RN sera arrivé en tête dans deux ou trois régions françaises.
Pour certains, l'antiracisme ne signifie pas que le racisme est une idéologie à combattre mais qu'il est un privilège à défendre.
 
C'est pourquoi il est vital que l'anti-antiracisme ne devienne jamais un racisme contraire, c'est-à-dire une reproduction mimétique du racisme systémique de l'oligarchie qui constitue la vraie nature de l'oligarchie, mais le contraire du racisme, c'est-à-dire une émancipation politique de l'apartheid capitaliste.

dimanche 13 juin 2021

L'erreur des intellectuels libéraux consiste à valider la superposition de l'Etat et de la société, en sorte que, face à la tyrannie croissante des appareils technico-administratifs, ils ne savent en appeler qu'à la souveraineté de l'individu. Or l'atomisation individuelle est précisément ce qui nécessite et aggrave l'emprise de l'Etat sur nos vies, à la fois pour garantir par la force la conservation des rapports de domination engendrés par la prédation individuelle et pour redistribuer le minimum de ressources nécessaires à la préservation de l'ordre social.

L'Etat n'a pas de substance propre. Il est, comme l'indique son étymologie, une situation d'équilibre constatée à un moment donné entre des appétits concurrents, et formalisée par des croyances communes.
Par conséquent, il ne s'agit pas de détruire l'Etat pour libérer l'Etat. Il faut laisser l'Etat se dégonfler en proportion de notre capacité à nous en affranchir en refaisant société.
 
Pour se limiter à un exemple archétypique, il y a belle lurette que la Sécurité sociale n'est plus une "sécurité sociale" mais une "sécurité étatique" sur laquelle les travailleurs n'ont plus aucun contrôle. Son démembrement au profit d'acteurs privés lucratifs n'est pas une émancipation mais un accomplissement dans la servitude. Il ne faut donc pas détruire la Sécurité sociale. Il faut la reconstruire sur des bases nouvelles.

Manifester contre l'extrême droite ?

Trop souvent, le militant politique considère que l'extrémisme occupe une position extérieure à l'idéologie dominante alors qu'il n'en est qu'une réaction endogène, un mouvement de crispation qui accompagne sa course inéluctable vers le néant. Indépendamment de la connotation positive ou négative qu'il lui attribue subjectivement, le seul énoncé d'une telle extériorité devrait lui sembler paradoxal puisque il ne saurait se constater d'extrémité sans un continuum relativement auquel elle se situe. 

 
L'extrémisme assèche la radicalité de celui qui le promeut comme de celui qui prétend le combattre. Il dit la vérité de l'ordre établi tandis que le consensus social ne la supporte que dissimulée sous les oripeaux d'un passé révolu. Quand l'extrémiste de droite, chauffé à blanc par les frustrations de l'ordre capitaliste, situe sa félicité dans l'avènement d'une société d'apartheid, le centriste, lui, sait que cet apartheid est déjà là, qu'il lui profite, mais que ce dernier n'est vivable que sous les apparences du "respect des droits", de l'"anti-racisme" et, plus généralement, de tout ce qui permet de vendre au consensus social ce à quoi il aspire plus que tout : le spectacle continué de la vie ordinaire.
Dans un premier temps, cette mécanique est auto-motrice puisque le discours sur l'égalité des droits alimente les tensions horizontales qui renforcent l'extrémiste de droite dans sa position tout en permettant d'en faire le bouc émissaire de ce qu'il révèle.
 
Cependant, il arrive que les tensions internes du système socio-économique atteignent un tel degré d'exacerbation qu'elles deviennent insolubles dans le récit de la marchandise. A ce stade, ce n'est pas l'extrême droite qui nous menace. C'est un centrisme qui s'assume en tant que pure violence sociale contre "ceux qui ne sont rien" et qui n'a plus rien d'autre à proposer qu'une tyrannie hygiéniste numérisée. Brusquement, le consensus social s'aperçoit que son centre de gravité se situe quelque part entre une Le Pen macronisée et un Macon lepénisé. C'est cela la "dédiabolisation" du FN : plus qu'une tactique politicienne, le résultat d'un glissement profond dans la tectonique des représentations collectives. 
 
Il est donc trop tard pour "manifester contre l'extrême droite" (extrême gauche) ou déclarer qu'elle est "satanique" (centre). Quand la "gauche" "manifeste contre l'extrême droite", non content de se masquer à elle-même et à l'opinion la forme actuelle de sa résurgence, elle ne fait qu’en accélérer l'avènement parce qu'à paradigme constant, à partir d'un certain niveau de tensions internes que ce type de posture contribue à aggraver en son sein, l'extrême-droite finira par en apparaître comme le rempart ultime, l'espoir de conservation, la "divine surprise" salvatrice.

Tout empreint d'une révérence obséquieuse, Macron exprime son allégeance au suzerain planétaire dans un anglais de cuisine managériale : "vous avez démontré que le leadership, c'est le partenariat". En français de Molière : vous êtes un gentil maître auquel nous avons plaisir à obéir.

De cette gifle infligée à 70 millions de Français, curieusement, la classe médiatico-politique ne s'émeut guère...

samedi 12 juin 2021

 "Manifester contre l'extrême droite" juste en dessous d'un portrait de Karine Lacombe. C'est-à-dire : se masquer à soi-même la forme actuelle de sa résurgence et rendre son avènement inéluctable parce qu'à paradigme constant, à partir d'un certain niveau de tensions internes que ce type de posture contribue à aggraver, elle en apparaîtra comme le rempart ultime, l'espoir de conservation, le "sauveur providentiel".

Forme suprême de l'illusion contemporaine : analyser comme une extériorité positive ou négative toute forme de discours musclé au travers de laquelle l'idéologie dominante manifeste une réaction endogène à sa course inéluctable vers le néant.

 
Le fascisme est une crispation du Capital.

Je voudrais comprendre la psychologie de ceux qui sont prêts à flasher un QR-Code pour pouvoir manger au restaurant ou à se faire vacciner pour avoir le droit d'aller bronzer sur la Costa Brava...

Les mêmes s'étonnent que Pétain soit arrivé au pouvoir et vous disent "plus jamais ça" à propos d'Auschwitz. Donc ils font allégeance à Macron en échange de leurs loisirs, et ils désobéiraient à Hitler au prix de leur vie ?
 
Je sais bien qu'on va m'opposer le fameux "point Godwin". Étrange procédé rhétorique qui consiste à faire reposer tout notre système de valeurs sur la mémoire de faits dont on proclame par ailleurs la spécificité irréductible, et donc le caractère non reproductible ! 
 
N'oublions pas que Hitler n'a pas commencé par Auschwitz - ce serait trop simple ! - mais par une multiplication de réglementations absurdes qu'on a feint d'ignorer ou de ne pas voir parce qu'elles ne paraissaient engager moralement personne. Or c'est dans le consentement ordinaire à l'absurde que réside le potentiel criminogène du politique, pas dans les intentions de tel ou tel leader charismatique qui n'en constituent que le décorum historique conjoncturel. Le "plus jamais ça", portant en mémoire des crimes immenses qu'on se sent impuissant à commettre, est le plus sûr moyen de masquer un "toujours là" qui n'a jamais cessé d'exister.

On a payé !

 

Devant l'interruption d'un match à Roland Garros, toute l'éditocratie d'extrême droite se répand en récriminations sur l'autoritarisme ambiant. "On a payé ! On a payé !" s’exclament, soudainement réveillés, les guévaristes en lacoste.

Les mêmes s'indignent que le couvre feu ne soit pas respecté dans "certains quartiers" et réclament cinq ans de prison contre le gifleur de Tain "parce que c'est toute la France qui a été humiliée par la bêtise de ce pauvre type".
 
Chez certains, la morale transpire le mépris de classe.

mardi 8 juin 2021

Sortir de l'UE

 

L'UE n'est pas seulement un Traité mais la superstructure occidentale du Capital. L'appartenance juridique à l'UE doit donc être comprise comme une manifestation extérieure de notre consentement à la servitude, comme un rituel de soumission qui ne contient pas, en lui-même, la substance de ce à quoi nous sommes soumis. Il en résulte que la sortie de l'UE n'est pas la condition suffisante de notre émancipation. Plus exactement, exprimer son projet en terme de "sortie" manifeste qu'on n'aspire à aucune véritable émancipation. Est-ce qu'on "sort" de l'Allemagne nazie ? Est-ce qu'on "sort" de l'URSS ?
 
La sortie juridique de l'UE ne signifie en elle-même qu'une seule chose : la volonté de rapatrier à l'intérieur de nos frontières le système de domination dont l'UE constitue l'aboutissement logique. C'est non seulement absurde mais impossible. 
 
Ceux qui veulent sortir de l'UE sans que cela ne s'adosse à un projet global d'émancipation (la grande majorité des souverainistes français) n'y parviendront pas. Ils seront lâchés par leurs peuples dès que ces derniers se rendront compte que les promesses de retour à la croissance et au plein emploi, en échange de quoi ils ont vendu cette sortie, sont intenables. Comme en Grèce il y a dix ans, deux jours de queue devant les distributeurs automatiques de billet auront vite raison d'un tel accès d'insolence.
L'UE, comme Carthage, doit être détruite. Ce fait de guerre produirait ce qu'il signifie. Il est le geste vital par lequel un corps politique tel que la France manifesterait et réaliserait son retour à la vie. Plus qu'un jeu d'écritures comptables ou juridiques, qui prétendrait déboucher sur un retour automatique au paradis frelaté des Trente Glorieuses, il s'agirait d'un acte politique qui exprimerait tragiquement notre volonté de reprendre possession de nos existences. Pour cette raison précisément, il est mensonger d'assurer qu'il puisse se dérouler dans la joie et dans la bonne humeur. 
 
L'objectif d'un patriote français ne devrait donc pas se limiter à "sortir de l'UE", comme on saute du Titanic pour aller mourir dans les eaux glacées du Capital. Chronologiquement, la sortie de l'UE n'est pas un commencement mais une fin : un beau jour, après beaucoup de sacrifices, on constate qu'on en est sorti parce qu'elle n'existe plus.

 

lundi 7 juin 2021

Mélenchon crucifié

Mélenchon dresse la liste des "incidents" qui ont émaillé la dernière ligne droite des dernières campagnes présidentielles.

 
La réception de ses propos est fascinante. Dans une tirade échevelée, Elisabeth Lévy va jusqu'à dire que l'"incident" mélanchonien est pire que le "détail" lepéniste. Comme au bon vieux temps de Le Pen père, nul besoin de penser, de discuter, d'argumenter. Il suffit que le verbe honni surgisse pour qu'aussitôt l'unanimité se reconstitue. Le seul fait d'envisager qu'il y ait matière à penser, discuter, argumenter est perçu comme un crime, comme le signe d'une atteinte psychiatrique. Sur le plateau de Pascal Praud, ce n'était que déchirements d'habits, hurlements stridents, invocations rituelles des ancêtres.
Certes, il y a quelque chose de réjouissant à entendre les cris d'orfraie poussés par ces vestales du régime à l'idée-même que de telles manipulations puissent exister. Nos archives en dégorgent et nos journaux s'en régalent. L'histoire du "virus chinois" - cette "trumperie" subitement devenue un article de foi - est un cas d'école. Celle des enfants "qui ne transmettent pas le virus" (pour garder les écoles ouvertes) puis qu'il faut vacciner (parce qu'ils risquent de tuer papi et mami) en est une autre. Mais là n'est pas la question. Les faits n'ont, en eux-mêmes, aucune valeur explicative. Seul compte, du point de vue de l'Histoire, l'imaginaire collectif qui les filtre, les écrit, les constitue en événements. C'est ainsi, à partir des myriades d'interactions qui se produisent entre les individus qui la composent, que la société sécrète le récit qu'elle se raconte à elle-même et qui détermine son devenir. 
 
Le terrorisme, auquel fait justement référence Mélenchon, est un exemple frappant de ce récit. Un policier assassiné sur les Champs Élysées, un avion frappant une tour à Manhattan... Les complotistes et les anti-complotistes se déchaînent, les uns pour dénicher dans le calcul des services "secrets" une explication "rationnelle", les seconds pour déceler dans le discours des premiers le véritable complot qui menace les fondements de la société. Or, ce qui compte, c'est la grille de lecture commune à tous ces acteurs et qui donne à ces faits, indépendamment de la mécanique interne de leur survenue, une valeur d'événement. Si les attentats du 11 septembre ont provoqué la guerre en Irak, ce n'est pas parce qu'ils ont eu lieu. C'est parce qu'ils ont été perçus, en dépit de l'absurdité des médiations convoquées, comme racontant le choc des civilisations. Par conséquent, la réalité ou les causes matérielles de cet événement n'importent que de manière très secondaire. Seule devrait nous préoccuper la puissance de cette croyance performative, son existence autonome en amont des faits qu'elle nourrit et qui la nourrissent en retour.

Je suis en train d'écouter une représentante calédonienne du camp "loyaliste"... Je découvre une boutiquière d'extrême droite, bavant de concert avec les autres chroniqueurs sur les dernières déclarations de Mélenchon, et qui "défend" la France exactement comme les européistes métropolitains défendent notre appartenance à l'Union européenne. Selon elle, c'est grâce à la France que tout le monde est vacciné et que le territoire a été déclaré "covidfree" (sic). "Que deviendraient les Kanaks sans les "aides" de la métropole ?" - se demande-t-elle. Cri du cœur : "Et notre monnaie ?"

En fait, comme la métropole, la Nouvelle Calédonie n'est déjà plus française. Elle n'est qu'un dominion de dominion se demandant dans les bras quel maître elle doit se jeter, soupesant quelle rétribution elle peut attendre de son allégeance à l'un plutôt qu'à l'autre. De Paris à Nouméa, ce n'est plus qu'une foire d'empoigne entre des esclaves emportés par la passion de leur servitude.

mercredi 2 juin 2021

La bourse et le goupillon

 

Parfaite illustration du tropisme collaborateur qui caractérise trop souvent le clergé catholique, l'archevêque de Paris prend bien garde - c'est une litote - de ne jamais rien dire de consistant sur les sujets cruciaux du moment. Sous prétexte de ne pas mélanger la politique et la religion, il n'hésite pas à faire peser la menace de sanctions canoniques sur quiconque prétendrait vouloir aligner sa conduite sur ses convictions. Puis, toute honte bue, il s'en va pleurnicher auprès de Macron parce qu'une cinquantaine de Versaillais, qui s'étaient livrés à une exhibition politico-religieuse du côté du Père Lachaise, ont été malmenés par des antifas. Si l'on comprend bien, contester le port du masque serait une instrumentalisation de la religion, tandis que processionner en pleine rue pour défendre une conception partiale de l'histoire serait une marque de charité chrétienne ? Quant à l'état de droit, dont se réclame l'archevêque, ne le sent-il pas beaucoup plus directement menacé par la constante reconduction de l'état d’urgence et par les dérives bioéthiques gravissimes qui ont agité l'actualité récente, que par une querelle de bac à sable opposant dans les rues de Paris quelques aveugles nostalgiques d'une querelle qui les dépasse ?
 
Tous ces gens-là ne sont que les flammèches virevoltantes d'une seule et même passion conservatrice : aussi bien les "antifas", qui, non contents de fournir au régime une police politique bénévole, souillent la mémoire des morts dont ils prétendent se réclamer, que les "néo-versaillais", dont la haine des Communards exprime la confusion qu'ils opèrent entre le catholicisme et la défense de l'ordre social.
Pour être farcesque, cette opposition n'en débouche pas moins sur une tragédie : elle dresse un mur d'incompréhension et de haines entre des âmes sincères que l'histoire a placé de part et d'autre de la barricade mais qui défendent, au nom du christianisme ou de la lutte sociale, la même cause : celle de la justice.
 
S'il était à la hauteur des martyrs chrétiens qu'il prétend célébrer, mais qui ne méritent pas l'infamie que leur vaut un tel soutien, Monseigneur ferait bien de méditer sur les reniements successifs qui ont conduit des crimes de Thiers au Sacré-Cœur de Montmartre - ce monument pompeux où furent scellées, autour d'une parodie de République, les épousailles de la bourse et du goupillon.
 

 

Paradigme

 

Le Pen et Macron se rendent service mutuellement en se laissant enfermer dans un débat "droite-droite" qui condamnerait la gauche à jouer les utilités.

Pour l'héritière de Montretout, qui a capitulé en rase campagne sur tous les sujets de souveraineté, c'est la seule façon crédible de paraître une opposante derrière laquelle tout le monde est obligé de courir, quitte à se laisser doubler sur la ligne d'arrivée (cf. Darmanin ou Peltier) ; pour le stagiaire de l’Élysée, la garantie de pouvoir continuer à jouer de vieux réflexes "républicains" tout en mettant en œuvre les pires fantasmes sécuritaires qui ont jamais fermenté dans le tréfonds de la société française. Ce pas de deux constitue une tentative désespérée de persuader l'électeur que son salut continue de se situer quelque part dans le système politique orthonormé que nous avons hérité de 1789, bien que celui-ci soit frappé d'une hémiplégie manifeste. 
 
Or, malgré tous les écrans de fumée que certains s'échinent à déployer pour le dissimuler tout en le révélant (on se situe dans la zone grise qui distingue l'érotisme de la pornographie), il y a belle lurette que les coordonnées du macronisme le situent dans l'angle supérieur droit de ce paradigme et qu'il ne nous reste pour seule issue... que d'en sortir. En effet, à partir du moment où le principe de souveraineté a déserté le champ de la délibération démocratique et s'est laissé confisquer par l'auto-proclamé "cercle de la raison", la question de savoir si l'on s'assoit à droite ou à gauche du souverain a perdu toute signification. Désormais, il s'agit de rouvrir la seule question qui vaille, une question que l'Histoire ne ferme jamais que provisoirement : la question de la légitimité. Un corps politique, dès lors qu'il est travaillé par cette question, apporte la preuve performative que son "pronostic vital n'est pas encore tout a fait engagé". Ce n'est donc pas tant la réponse qui compte, que la capacité de la poser. 
 
En éborgnant les gilets jaunes, les LBD de la BAC ont-ils éteint les dernières lueurs de cette flamme originelle qu'on avait cru, un moment, pourvoir réveiller de ses braises ? Je pense que nous n'allons pas tarder à être fixés.

Retour à la normale

En Israël, s'extasient les médias, "tout revient à la normale".

Or, c'est bien cela, le problème : l'acceptation d'une normalité comprise et vécue comme la monnaie d'échange de notre servitude. Voilà le résultat de "Hold Up", de Bigard et de toutes les insanités dont la "dissidence" nous a donné le spectacle humiliant : à force de reporter notre inquiétude sur un futur dystopique plus ou moins fantasmé, nous nous dissimulons à nous-mêmes que le drame est sous nos yeux, constitué par une somme de consentements plus ou moins minuscules, de récompenses plus ou moins dérisoires, qui, pas à pas, piqûre après piqûre, écrivent notre histoire.
En ce sens, la situation présente est infiniment plus grave que celle du 16 mars 2020, premier jour de notre enfermement. A cette date, par contrecoup d'une atteinte si énorme à notre honneur et à notre dignité, notre histoire aurait pu bifurquer. Hélas, sous la pression bienveillante d'une extrême droite réclamant toujours plus de sécurité, toujours plus de surveillance, toujours plus de contraintes, elle n'a fait qu'approfondir le sillon de son cours ordinaire. A moins d'une réaction immédiate et raisonnable, nous risquons d'y finir enterrés vivants. 150 ans après les massacres abominables commis contre les Communards, ce n'est pas d'une normalité, ancienne ou nouvelle, que nous avons besoin, mais d'une insurrection des cœurs et des intelligences. Versailles est de retour. Ne nous trompons pas d'ennemi.



 

RENE GIRARD, LA CRECHE ET NOUS

  Contrairement à ce que laissent supposer les formes plus ou moins pathologiques de ses contrefaçons contemporaines, le sacré n'a jamai...