mardi 26 décembre 2023

RENE GIRARD, LA CRECHE ET NOUS

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Contrairement à ce que laissent supposer les formes plus ou moins pathologiques de ses contrefaçons contemporaines, le sacré n'a jamais été vécu comme l'étendard d'une quelconque "fierté" patriarcale, identitaire ou civilisationnelle. Le sacré s'origine dans le souvenir d'une situation terrifiante dont la communauté tente de prévenir le retour à tout prix. Il se manifeste comme la distance qu'opère le meurtre fondateur, comme la limite à l'abri de laquelle quelque chose d'autre peut dialectiquement émerger - par exemple l'idée de féminité.

Le sacré n'a donc rien à voir avec le "machisme" ordinaire du couple bourgeois ni avec le "virilisme" du fascisme contemporain. Le sacré est une blessure : c'est Œdipe qui est mis à mort parce qu'il est accusé d'avoir commis l'inceste et, pour cette raison, d'avoir répandu la peste dans la cité. Dans cette immense tension dramatique dont se compose l'histoire humaine, la maternité virginale de Marie ne sort pas de nulle part : telle un manifeste authentiquement féministe, elle répond à la paternité mythiquement incestueuse d'Œdipe, fondatrice de toutes les différences culturelles.

La crèche de Noël représente aux yeux des Hommes la rupture irrémédiable qui s'est consommée au cœur du sacré. Elle affirme que nous avons désormais la puissance de le subvertir et le dépasser mais, simultanément, que cela ne nous donne aucun droit de le rejeter au nom de ce qu'il rend possible et à quoi nous devons la révélation destructrice de sa véritable nature. C'est ce double-impératif auquel nous nous rendons incapables de satisfaire à l'instant où la crèche est vécue comme la matrice d'une "civilisation" qu'il s'agit de détruire ou de restaurer. Cette pathologie du sacré promu et rejeté pour de mauvaises raisons engendre l'oscillation de niaiseries et de génocides qui définit la modernité occidentale.

La crèche ne dit pas notre "identité". Elle trace le chemin par où nous avons à comprendre et à devenir pleinement ce que nous sommes.

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