mercredi 2 juin 2021

La bourse et le goupillon

 

Parfaite illustration du tropisme collaborateur qui caractérise trop souvent le clergé catholique, l'archevêque de Paris prend bien garde - c'est une litote - de ne jamais rien dire de consistant sur les sujets cruciaux du moment. Sous prétexte de ne pas mélanger la politique et la religion, il n'hésite pas à faire peser la menace de sanctions canoniques sur quiconque prétendrait vouloir aligner sa conduite sur ses convictions. Puis, toute honte bue, il s'en va pleurnicher auprès de Macron parce qu'une cinquantaine de Versaillais, qui s'étaient livrés à une exhibition politico-religieuse du côté du Père Lachaise, ont été malmenés par des antifas. Si l'on comprend bien, contester le port du masque serait une instrumentalisation de la religion, tandis que processionner en pleine rue pour défendre une conception partiale de l'histoire serait une marque de charité chrétienne ? Quant à l'état de droit, dont se réclame l'archevêque, ne le sent-il pas beaucoup plus directement menacé par la constante reconduction de l'état d’urgence et par les dérives bioéthiques gravissimes qui ont agité l'actualité récente, que par une querelle de bac à sable opposant dans les rues de Paris quelques aveugles nostalgiques d'une querelle qui les dépasse ?
 
Tous ces gens-là ne sont que les flammèches virevoltantes d'une seule et même passion conservatrice : aussi bien les "antifas", qui, non contents de fournir au régime une police politique bénévole, souillent la mémoire des morts dont ils prétendent se réclamer, que les "néo-versaillais", dont la haine des Communards exprime la confusion qu'ils opèrent entre le catholicisme et la défense de l'ordre social.
Pour être farcesque, cette opposition n'en débouche pas moins sur une tragédie : elle dresse un mur d'incompréhension et de haines entre des âmes sincères que l'histoire a placé de part et d'autre de la barricade mais qui défendent, au nom du christianisme ou de la lutte sociale, la même cause : celle de la justice.
 
S'il était à la hauteur des martyrs chrétiens qu'il prétend célébrer, mais qui ne méritent pas l'infamie que leur vaut un tel soutien, Monseigneur ferait bien de méditer sur les reniements successifs qui ont conduit des crimes de Thiers au Sacré-Cœur de Montmartre - ce monument pompeux où furent scellées, autour d'une parodie de République, les épousailles de la bourse et du goupillon.
 

 

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