Mise en garde à mes camarades de lutte sur certains parallèles historiques dangereux
En comparant l'Ausweiss sanitaire à l'étoile jaune pour faire pièce à ceux qui leur intentent de mirobolants procès en fascisme ou en antisémitisme parce qu'ils dénoncent la dérive autoritaire du gouvernement, certains de nos camarades s'imaginent faire preuve d'une grande habileté dialectique, doublée d'une salutaire radicalité. Comment pourrait-on accuser d'antisémitisme quelqu'un qui se réclame du stigmate infligé par les antisémites à leurs victimes ?
Sentant le terrain glissant, quelques uns s'effraient de ces comparaisons et croient bon de s'en distancier par de solennelles protestations en conformité mémorielle : oui, la Shoah revêt un caractère d’absolu et toute tentative de s'en réclamer pour rendre compte du présent, dès lors qu'elle n'est pas labellisée par le pouvoir en place (Macron à Oradour dans l'entre-deux tours des présidentielles), relèverait d'une arrière-pensée négationniste.
Les uns et les autres commettent une grave erreur qui participe de la confusion, savamment entretenue par le récit officiel, entre l'essence totalitaire et ses formes conjoncturelles. Tout se passe comme si l'ampleur horrifique des conséquences (la "Solution finale") permettait d'occulter la profondeur des causes et de faire oublier qu'une dictature ne découle pas d'un coup d’État, habilement orchestré dans les coulisses par de savants comploteurs, mais d'un effondrement antécédent de toutes les structures politiques qui protègent une société. Le philosophe italien Agamben le démontre très bien : c'est l'état d'urgence permanent, sans cesse prorogé par un régime de Weimar aux abois, qui a créé la "structure mentale" dont Hitler et sa clique ont fini par apparaître comme les seuls dépositaires légitimes. Les nazis n'ont pas inventé le totalitarisme raciste : ils n'ont fait que systématiser, pousser jusque dans ses ultimes retranchements, le consensus intellectuel et scientifique de l'époque. Cette radicalité s'est imposée d'elle-même à partir du moment où ce qui en constituait le substrat a semblé tellement évident qu'il est parvenu à évacuer du champ des consciences tout ce qui s'y opposait si peu que ce soit et qui, dès lors, paraissait une entorse insupportable à l'ordre social.
Pour les mêmes raisons, ceux qui comparent Macron à Hitler font preuve d'un optimisme chronologique démesuré. 2021 n'est pas un remake de 1942, ni de 1939, ni même de 1935, mais de 1932. L'effondrement de la Vème République ressemble davantage à celui de la "Weimarer Republik" qu'à la nuit des Longs Couteaux ou qu'au Congrès de Nuremberg.
Comparer la vaccination obligatoire à la Solution finale revient à nous dissimuler à nos propres yeux la profondeur spécifique du problème qui se pose à nous, comme si nous nous étions laissé intoxiquer par un faux "devoir de mémoire" et que nous attendions de son clergé qu'il nous y fît l'aumône d'un strapontin.
En ce début du mois d'août 2021, nous n'avons pas affaire à la gestation d'un totalitarisme "exclusif", qui désignerait puis éradiquerait un extérieur de la communauté avant d'instituer, entre la "communauté des mêmes", une totalité parodique, mais à un totalitarisme "inclusif" qui définit d'abord une "totalité idéologique" puis rejette dans l'infra-humanité tous ceux qui refusent de s'y conformer. C'est cette "totalité idéologique" dont le vaccin constitue le "sacrement". Aussi, ce n'est pas d'abord pour des raisons médicales que nous devons refuser d'y exposer nos corps, mais parce que ces derniers constituent une frontière sacrée dont l'appartenance à aucune communauté ne saurait être conditionnée au droit de la violer.
Ne pas actualiser, au nom de la fascination exercée par certains événements, notre compréhension du phénomène totalitaire est une erreur intellectuelle et stratégique qui pourrait bien hâter l'avènement de ce contre quoi nous luttons de toutes nos forces.
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PS : Après rédaction, je joins la copie d'écran de deux interventions de BHL dont je viens de prendre connaissance et qui constituent un contrepoint vertigineux à l'illustration originelle de mon article...
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