L'AVOCAT, LE CRS ET LE THÉOLOGIEN
Politiquement, notre situation tient d'une alternative insoluble.
De deux choses l'une, en effet :
-
ou bien la situation est telle que le souverain est en droit de
"décider de l'extraordinaire" : dans ce cas, l'état de droit ne s'impose
plus et il n'y a aucune raison de maintenir les meetings politiques.
-
ou bien la situation n'a rien d'exceptionnel : dans ce cas, on ne voit
pas ce qui justifie la suspension d'une liberté aussi fondamentale que
celle de se réunir à l'occasion d'un concert.
Incapacité du
souverain à se saisir de la "compétence de la compétence", qui explique
par exemple notre soumission à un régime monétaire étranger auquel nous
n'avons jamais consenti ; contamination systématique (pour ne pas dire
systémique) du commun par l'exceptionnel dans le cours de nos vies
ordinaires : voilà les deux mâchoires du piège par lequel nous sommes
rendus impuissants.
Dans ce continuum d'un genre nouveau, qui
efface la dialectique fondamentale du Politique, l’État ne gouverne plus
rien. Il est l'instance juridique au moyen de laquelle les détenteurs
du pouvoir se sont arrogés la seule prérogative qui leur manquait, celle
de faire advenir une réalité en la nommant : un mariage, une filiation,
un terroriste, une épidémie... Et maintenant : une station assise
différenciée d'une station debout par des CRS qui auront à déterminer,
selon leur humeur, l'angle idoine à former par le tronc relativement au
bassin ; ou bien encore un office religieux distingué d'une fête foraine
grâce aux éclairages théologiques d'un officier de police judiciaire.
Certes,
le droit s'est toujours présenté comme une approximation du réel au
moyen duquel les interactions humaines sont ramenées à des opérations
simples entre lesquelles des équivalences peuvent être établies. Jamais
cependant cette approximation ne s'était donnée à ce point pour le réel
lui-même, ni n'avait pesé si lourdement sur nos corps et sur nos vies.
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