LE PIAL, LE PAP ET LES AESH
Ceux qui s'indignent des propos de Zemmour sur la scolarisation des enfants handicapés n'ont probablement pas mesuré à quel point la "politique d'inclusion" dont ils se gargarisent constitue l'une des plus gigantesques farces que l'on puisse mettre à l'actif d'une institution qui n'est pourtant guère avare de records en la matière. Comme beaucoup d'autres "dispositifs" du même genre, ladite "politique" n'a pas d'autre objectif que de réaliser des économies de personnels sur le dos des professeurs et des élèves, non sans dissimuler cette mauvaise action sous un flot de jargon et de réunions inutiles.
L'année où j'ai quitté l’Éducation nationale, mon collège d'"éducation prioritaire" (une ruine bourrée d'amiante, menacée de fermeture depuis vingt-cinq ans mais défendue pied à pied par le maire de la bourgade dont c'était le dernier attribut en tant que chef-lieu de canton) venait d'être promu au rang de "PIAL" (pôle inclusif accompagnement localisé). Cela procurait toutes sortes de félicités à l'"Inspecteur de circonscription", qui y voyait une nouvelle occasion de faire peser son autorité sur ses subordonnés et de se faire mousser auprès de ses supérieurs.
Ce fut le bouquet final, une orgie de protocoles, une apothéose de néant.
Pour chaque enfant concerné, désigné de manière à peu près aléatoire au terme de procédures opaques où tentaient de s'articuler les contraintes matérielles de l'administration avec les desiderata de parents aussi dépassés que chicaniers, les professeurs principaux devaient compléter un "PAP", c'est-à-dire un dossier de plusieurs dizaines de pages ("projet d'accompagnement personnalisé") dont il ressortait des injonctions aussi pertinentes et poétiques que "imprimer les cours en police 16", "ne colorier les cartes de géographie qu'en rouge et en vert", "ne pas noter les contrôles" ou "fournir les exercices sur une clé USB". Quelques "AESH" (personnels précaires et sous-payés, servant de relais dociles aux exigences tatillonnes de l'administration) étaient chargés de parcourir les établissements du "bassin éducatif" pour vérifier que ces prescriptions étaient correctement mises en œuvre par des professeurs dont le temps libre et l'imprimante personnelle étaient offerts, une fois de plus, en variables d'ajustement d'une institution en roues libres.
Ceux qui se font de l’Éducation nationale une image romantique, s'imaginant que c'est un terrain de hautes luttes entre tenants du wokisme et fanatiques de la méthode syllabique, doivent surtout savoir que c'est un lieu où les toilettes sont bouchées, où le chauffage est en panne, et où l'on ne peut se procurer des craies ou des feutres qu'à condition de s'être constitué de solides réseaux d'amitiés et de complicités au plus haut niveau de l'administration locale.
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