LA DEMENCE AU BOUT DE LA RAISON
Dès lors que l'homme, devenant homme, fut capable de se projeter dans un récit collectif d’appartenance à une communauté, la violence et la civilisation se sont mutuellement nécessitées. La possibilité d’une altérité se fit jour en même temps que la volonté de la réduire : c’est la beauté de la tragédie humaine, la tension intérieure qui nous fonde en tant que sujets de relation.
Que la « communauté internationale », jugeant l'Ukraine agressée et s'estimant engagée vis-à-vis d'elle, se sente fondée à prendre des mesures à l'encontre de la Russie, voilà qui paraît conforme à la logique de la guerre. Mais pourquoi, lorsque les réserves en dollars de la banque centrale russe sont gelées par les Etats-Unis, cela s’appelle une « sanction », tandis que la réplique russe qui en découle automatiquement – l’exigence d’être payé en roubles – est aussitôt stigmatisée comme une « rupture de contrat » ? D’où vient-que l’Occident, non content de s’attribuer tous les droits, s’attende à ce que ceux-ci soient consacrés dans le regard de ses adversaires comme l’expression DU Droit lui-même ? Depuis quel point fixe de l'espace et du temps s’est-on érigé en tribunal pour observer l'Histoire en train de se mouvoir ?
Il y a derrière l’emploi du terme « sanctions » une immense manipulation, à moins qu’il ne s’agisse d’une simple naïveté : l'idée que l'histoire humaine ne serait qu'une affaire de « guerres justes » menées contre des « agressions injustes », forcément « sauvages ». Ainsi naît de la condamnation morale de la guerre la possibilité de la guerre totale. L’altérité ne peut plus être vécue comme le chemin blessé d’une rencontre mais comme comme une atteinte à la raison universelle qu’il convient d’éradiquer. Le
droit international, en fonction duquel est décidé qui est l’agresseur
et qui est l’agressé, n’est plus rien d’autre que la puissance incontinente du récit
dominant.
Le futur de l’Humanité s'accomplirait ainsi dans un retour à la jungle originelle – mais ce retour, loin d’une cure de jouvence, serait l’enfance où l’on retombe par sénilité.
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