Une démocratie représentative ne diffère en rien d'une république bananière si ce n'est qu'aux balbutiements de la modernité, quand le spectateur humain dispose encore d'un pied dans le réel, le récit doit s'astreindre à quelques critères de vraisemblance.
C'est en raison de cette contrainte que tout candidat au pouvoir dans une république bananière (ou dans certains partis politiques à fort tropisme familial) est obligé de faire croire aux électeurs qu'il a le soutien de 98% d'entre eux. "Tu dois m'obéir parce que je suis plus fort que toi et, par décence, je me sens tenu de te donner quelques motifs sérieux de le croire". En quelques sorte, l'énormité du mensonge est proportionnelle à la nécessité de convaincre dans un contexte où le réel demeure un critère d'appréciation. A l'inverse, dans une démocratie parvenue au dernier stade de la félicité progressiste, non seulement on peut conserver la commande de tous les leviers institutionnels avec 7% des suffrages exprimés mais on se sent autorisé à menacer les 65% qui ont refusé de participer à la mascarade ! Tout se passe comme si l'"opinion", en tant qu'abstraction fondatrice du système représentatif, s'était complètement émancipée de son sous-jacent humain, arithmétiquement exprimé en pourcentage d'un corps électoral plus ou moins fantasmé, pour devenir une substance autonome, une divinité à laquelle on voue un culte et qui se repaie du sang de ses dissidents - ceux qui, face à la foule, ont l'outrecuidance de signaler que le roi est nu.
Au terme de cette évolution, la démocratie n'est plus un système institutionnel répondant à des normes juridiques, mais un appareil de justification tautologique de l'existant, capable, si sa survie l'exige, de s'affranchir des plus séduisantes productions mythologiques qui jalonnent son parcours historique (habeas corpus, séparation des pouvoirs, distinction du public et du privé). La contrainte sur les corps, la suspension des libertés individuelles ou la surveillance numérique généralisée ne définissent plus un "état d'exception", assumé et vécu comme tel sous l'appellation de "dictature", mais un développement homogène de l'état de droit et de la démocratie dès lors qu'un pays de l'OTAN en est l'initiateur.
Se distinguent ainsi, sous le voile de plus en plus translucide de l'universalisme et de la rationalité, les contours d'un tribalisme occidental dont la puissance d'attraction marchande avait jadis permis d'étendre l'empire aux dimensions de la planète. De l'"obligation vaccinale" aux résultats de la dernière farce électorale, tout concourt à le démontrer : le roi est bien nu.
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