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Affichage des articles du mars, 2022

LA DEMENCE AU BOUT DE LA RAISON

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Dès lors que l'homme, devenant homme, fut capable de se projeter dans un récit collectif d’appartenance à une communauté, la violence et la civilisation se sont mutuellement nécessitées. La possibilité d’une altérité se fit jour en même temps que la volonté de la réduire : c’est la beauté de la tragédie humaine, la tension intérieure qui nous fonde en tant que sujets de relation. Que la « communauté internationale », jugeant l'Ukraine agressée et s'estimant engagée vis-à-vis d'elle, se sente fondée à prendre des mesures à l'encontre de la Russie, voilà qui paraît conforme à la logique de la guerre. Mais pourquoi, lorsque les réserves en dollars de la banque centrale russe sont gelées par les Etats-Unis, cela s’appelle une « sanction », tandis que la réplique russe qui en découle automatiquement – l’exigence d’être payé en roubles – est aussitôt stigmatisée comme une « rupture de contrat » ? D’où vient-que l’Occident, non content de s’attribuer tous les droits, s’at...

"PRIX A PAYER" : NECROLOGIE D'UNE MORALE

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" C'est le prix à payer " Madeleine Albright (1937-2022)  à propos du demi-million d'enfants tués  par les Etats-Unis en Irak   La géopolitique capitaliste est une confusion puérile du moi et de la morale. Dans son univers mental, "crimes de guerre" ne signifie pas que certaines modalités de la guerre sont criminelles mais que toute guerre est un crime à partir du moment où elle n'est pas "un prix à payer" pour la "démocratie" - s'y opposer dans ce dernier cas fait de vous un complice du "terrorisme". Il ne faut donc pas prendre au sérieux l'expression "crimes de guerre", s'imaginer qu'il soit possible d'en balancer les effets par de savantes mises en perspective ni par des contre-champs documentés. Dans le flot d'images dont nous abreuve le conflit russo-américain aux frontières de l'Europe, ce n'est pas la culpabilité des personnes qui doit nous préoccuper mais la grammaire des ima...

L’AVANT-DERNIER JOUR DE L'APOCALYPSE

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Notre-Dame-de-Lorette, Journal, le 13 mars 2022 Non loin d’Arras, au sommet d’une colline, s’élève la nécropole Notre-Dame-de-Lorette. Là, pendant des mois, un Empire et une République ont échangé la vie de dizaines de milliers d’hommes contre quelques centimètres de terrain gagnés et reperdus. Quarante-cinq mille croix, dont la forêt blanche parsème à perte de vue cet Himalaya de souffrances, signalent que chaque motte de terre, foulée nonchalamment par les curieux, est un agglomérat de sang et d’effroi. Au point culminant, pataude et lourde, une basilique de style néo-byzantin semble un bunker édifié à la hâte pour se protéger des radiations du souvenir. À la sortie du cimetière, où d’anciens combattants montent la garde sous un crachin glacial, le visiteur est invité à poursuivre son parcours dans un « musée vivant ». Des automates à l’œil vitreux, agités de mouvements saccadés, y sont censés reproduire la « vie quotidienne dans les tranchées ». Un amoncellement de reliques tombent ...

LETTRE OUVERTE AU MAIRE DE BÉZIERS

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  Mon cher Robert, Depuis deux ans, tu ne cesses de te répandre en protestations frénétiques de tes nouvelles fidélités : à Pfizer, à Macron, à l'OTAN, à la Commission européenne.   Et maintenant, comme tu as besoin des réfugiés ukrainiens pour soutenir ton projet de "Neuordnung Europas", tu t'es dit que tes propos sur les Syriens "faisaient tâche".   Alors tu as demandé "pardon". A David Pujadas !   Quelques uns s'en réjouissent. Ils disent que tu as "changé". Ta "sincérité" les émerveille. D'autres s'en offusquent. Ils se demandent de combien de doublures ta veste est équipée pour pouvoir la retourner aussi vite.   Mais non, Robert, c'est beaucoup plus grave que ça. Tu es ce que tu as toujours été depuis "Reporters sans frontière" jusqu'à la droite du FN : le BHL du pauvre.    C'est un drôle de chassé-croisé. Tandis que tu te contentes de réaffirmer tes premières amours néoconservatrices et am...

DE LA DEPOSSESSION EN REGIME CAPITALISTE

Les gens ont été dépossédés d'eux-mêmes au point de ne même plus percevoir les conditions de leur propre survie.    Du marchand de canons qui se sent prêt à déclencher une guerre mondiale au prix d'une conflagration nucléaire au petit propriétaire qui jugera différemment le plan d'urbanisme de son village selon s'il lui permet de construire un immeuble de rapport à 1 km de chez lui ou s'il risque de subir les désagrément d'un nouveau voisin de l'autre côté de sa rue, ce n'est qu'une longue chaîne d'aliénations réciproquement consenties, un cocktail explosif de ressentiments envenimés et de privilèges à défendre. Vient le moment - nous y sommes - où la tension accumulée à l'intérieur du système touche au point de rupture.   On me demande souvent, avec la méfiance qu'éveillent à juste titre les concepts trop généraux, ce que c'est que le capitalisme. C'est ça. Non pas un système tombé du ciel sous l'effet d'on ne sait trop q...

DE LA SOUVERAINETÉ FRANÇAISE ET DE LA GUERRE EN UKRAINE

L'"intangibilité des frontières" et le "droit international" ne sont pas des réalités auto-revêtues d'une force agissante. Ce sont des représentations de soi et des autres en fonction desquelles, selon la position qui est la leur, des collectivités humaines choisissent de se déterminer. L'application de ces concepts est garantie par des puissances qui sont capables de dire où est le droit, privilège en vertu duquel elles ne sont pas elles-mêmes déterminées par le droit sinon au travers d'un récit dont elles sont l'auteur et qu'elles sont capables d'imposer aux autres comme une évidence communément admise (en anglais : "soft power"). (1)   On comprend donc pourquoi les notions de "frontières intangibles" (celles de l'Ukraine vis-à-vis de la Russie) ou d'"engagements préalables" (ceux de l'OTAN vis-à-vis de l'ex-URSS à la veille de son implosion) ne nous sont d'aucun secours pour départager ...